"Le déjeuner sur l'herbe" de Manet, exposé du 5 avril au 3 juillet 2011 au musée d'Orsay à Paris
Edouard Manet (1832-1883) "est un phare de la peinture moderne, un grand peintre d'histoire qui a le sens du tragique et de la dérision", déclare à l'AFP Guy Cogeval, président du musée d'Orsay.
Jusqu'au 3 juillet, le musée présente près de 140 oeuvres de Manet dont 84 peintures, ainsi que des pastels, des aquarelles, des dessins, auxquels s'ajoutent une trentaine d'oeuvres d'artistes de son époque.
Cela faisait 28 ans que Manet n'avait pas eu de grande exposition à Paris, sa ville natale.
Monter une exposition autour de lui n'est pas chose facile même pour le musée d'Orsay qui possède plusieurs de ses chefs d'oeuvre. L'Etat français n'avait rien acheté à Manet de son vivant et ses tableaux ont été dispersés très vite à l'étranger. Certains ne voyagent quasiment plus.
Mort à 51 ans, Manet n'a peint que pendant vingt ans. "Il a laissé 400 tableaux alors que Claude Monet en a réalisé 3.000", relève Stéphane Guégan, commissaire de l'exposition.
Fils d'un haut-fonctionnaire du ministère de la Justice, Manet n'était pas prédestiné à une carrière de peintre. Mais après avoir échoué au concours de l'Ecole navale, il se forme dans l'atelier du peintre Thomas Couture, l'un des peintres officiels de la Seconde République.
En 1861, Manet montre au Salon le "Portrait de M. et Mme M.", un tableau émouvant de ses parents et notamment de son père affaibli par la maladie. L'accueil est frais.
Tout au long de sa carrière, l'ambitieux Manet n'aura de cesse de revenir au Salon en dépit des critiques, dans une soif de reconnaissance qu'il finira par obtenir à la fin de sa vie.
Mais les débuts du peintre sont marqués par les scandales. "Le déjeuner sur l'herbe" (1863), présenté au Salon des refusés, met en scène deux étudiants en paletot et deux naïdes dans un sous-bois. "Un sujet scabreux où le peintre fait référence à Raphaël et au Titien, voulant inscrire le monde moderne dans la grande tradition. Pour les critiques, c'était encore plus insupportable", souligne M. Guégan.
Le modèle Victorine Meurent y pose nue. Deux ans plus tard, la jeune femme rousse incarne "Olympia", la courtisane qui cache de sa main ce que la décence interdit de montrer, tandis qu'un chat noir à la queue dressée veille à ses pieds. Le tableau est montré au Salon de 1865 avec "Le Christ moqué par les soldats". Tous deux déclenchent la polémique.
Déjà influencé par l'hispanisme, Manet découvre les Velasquez du Prado. Un choc. Pour donner plus de force à ses toiles, Manet n'hésite pas à les découper afin de recadrer le sujet: "Le torero mort" est d'une puissance rare.
Invité à participer à la première exposition des "impressionnistes" en 1874, Manet décline l'invitation. Il est plus âgé qu'eux et ne sent pas la nécessité de rejoindre le mouvement. A leur contact cependant, sa palette s'éclaircit et devient plus vibrante.
L'année 1879 marque un tournant avec l'arrivée des radicaux au pouvoir. Le Salon change d'atmosphère. Manet peint "Chez le Père Lathuille", un sujet badin qui plaît.
Il se concentre sur les sujets féminins, brosse des portraits de Parisiennes bien ancrées dans leur époque. Déjà malade, il réalise des pastels subtils.
Fervent républicain, Manet est aussi un peintre d'histoire. L'exposition s'achève sur "L'évasion d'Henri Rochefort" (1880), un tableau qui célèbre la fuite en bateau de cet opposant à Napoléon III en 1874.